J. E. Chevalley De Rivaz
Description des eaux minéro-thermales et des étuves de l'île d'Ischia
1837
De toutes les îles situées dans les environs de Naples, Ischia est non seulement la plus belle et la plus intéressante, mais aussi la plus grande, sa circonférence étant de quinze milles en négligeant les sinuosités du rivage. Sa longueur de l'orient à l'occident est de cinq milles, tandis que sa largeur du nord au sud n'est que de trois milles seulement. Sa figure, bien que présentant bon nombre d'irrégularités dans ses contours, peut être comparée à un carré long, dont les angles auraient été arrondis. Selon les anciens, elle ressemblait à celle de l'os coxal, appelé en grec Iskis, et plusieurs auteurs ont même cru que son nom actuel n'avait pas d'autre origine que cette singulière comparaison. Vue du continent ou à une certaine distance en mer, l'aspect qu'elle offre est celui d'une pyramide s'élevant majestueusement au milieu de l'azur des ondes, et dont la double cime, s'élançant dans les airs, forme le tableau le plus magnifique et le plus pittoresque que l'on puisse voir. C'est principalement au sortir du canal de Procida, que cette île se présente dans toute sa beauté. A l'est et au sud, on n'aperçoit que des collines parées de la plus vigoureuse végétation qui s'élèvent graduellement en amphithéâtre jusqu'à la sommité de l'Epomée, qui est la montagne la plus considérable et le point le plus élevé de l'île. Au nord ce mont, coupé presque verticalement vers son sommet, forme vers l'ouest un plan incliné qui va se perdre vers un petit cône appelé Vico, et l'oeil ne découvre que des coteaux couverts de vignobles et de bosquets verdoyants, qui présentent un contraste admirable avec les rochers stériles, au dessus desquels dominent les deux pointes de l'Epomée.
Au nombre des lieux qu'on remarque à Ischia, la ville de ce nom, qui en est la capitale, et les bourgs de Lacco et de Foria sont situés sur le bord de la mer, tandis que Casamicciola, qui est sur la pente septentrionale de l'Épomée et Pansa sur la pente occidentale, où les Rois Aragonais venaient anciennement passer l'été, en sont à une certaine distance. Sur le vaste plan incliné et convexe que présente cette montagne du côté du sud, on observe les villages de Serrara, Fontana, Moropano, Barano et Testaccio, outre une foule d'autres petits hameaux, de chapelles et de maisons de campagne, dispersées sur toute l'étendue de l'île, dont la blancheur coupe agréablement la riante verdure qu'on y admire de toutes parts. Le délicieux petit village de Piéo, ainsi appelé parce qu'il est au pied d'un monticule qui est une continuation de l'Épomée, est au nord-ouest du vaste dessin de Campagnano.
Lorsqu'on fait le tour de l'île, on traverse successivement la plus grande partie des endroits que j'ai nommés, et les points de vue les plus magnifiques et les plus variés se présentent, pour ainsi dire, à chaque pas dans cette charmante excursion. Aucun d'eux cependant ne saurait être comparé au coup d'oeil ravissant qu'on découvre de l'hermitage de St. Nicola, qui est situé sur la cime de l'Epomée, lequel fait de ce lieu un des plus beaux panoramas de l'univers. De même que les îles Éoliennes et les Énotrides, Ischia et sa voisine Procida, à laquelle il est probable qu'elle était jadis unie, ont été soulevées, par l'action du feu, du fond de la mer. C'est pour faire allusion aux phénomènes extraordinaires qui ont présidé à la formation de l'île qui nous occupe, que les légendes païennes en attribuent l'origine à la lutte des géants contre les Dieux, et portent que Typhée ou Typhon foudroyé par Jupiter est enseveli sous l'Epomée. La position de cette dernière montagne, au centre d'Ischia, démontre suffisamment qu'elle a été la pierre fondamentale et le premier volcan de cette île, en même temps que l'état de dégradation dans lequel se trouvent son cratère et les matières qui en sont sorties témoigne de sa haute antiquité, puisqu'il a fallu que des siècles sans nombre se soient écoulés, depuis le soulèvement de l'Épomée au dessus des ondes, pour que les laves qui composent le massif de cette montagne soient décomposées au point où nous les observons aujourd'hui. Ce qui se voit maintenant de ce mont est le reste de l'antique cône, qui doit avoir eu plus d'une bouche. Autour de sa base et sur ses flancs, se sont ouverts successivement plusieurs autres cratères secondaires, qui ont servi à donner plus d'étendue à l'île, et dont les formes caractéristiques, qui distinguent les bouches ignivomes, sont encore assez bien conservées pour pouvoir facilement être reconnues par l'observateur, bien que Spallanzani ait nié qu'on pût trouver encore à Ischia les vestiges d'un seul cratère.