Magasin pittoresque, 1843
Ischia, qui semble se balancer, au milieu d'une mer d'azur, en face de ces campagnes souriantes dont Virgile a fait les Champs-Elysées ; la belle, la poétique Ischia n'est éloignée de Naples que de quelques heures de marche: c'est la plus grande île du golfe. Autrefois, on l'appelait Pythecuse; les poètes de la Grèce et de Rome l'ont désignée sous le nom d'Inarima. Il y a trois cents ans à peine qu'on la nomme Ischia. Les Eritréens ont été ses premiers habitants ; mais les fréquentes et terribles éruptions de l'Epomée, cône volcanique, dont la hauteur égale celle du Vésuve, la dépeuplèrent, et elle resta inhabitée, jusqu'à l'an 450 avant Jésus-Christ. A cette époque, les Romains y fondèrent des établissements et la gardèrent jusqu'au règne d'Auguste. Ce prince l'échangea avec les Napolitains contre l' île de Capri. Depuis ce temps, Ischia suivit la destinée de Naples.
En 1302, la ville fut détruite par une nouvelle éruption de l'Epomée. En 1441, Alphonse d'Aragon s'en étant emparé, chassa tous les hommes, et, par une exécrable tyrannie, les remplaça dans leurs familles par des soldats catalans et espagnols.
Aujourd'hui, Ischia est le rendez-vous du beau monde de Naples. Ses eaux thermales, ses bains, ses étuves, la douceur de son ciel, les magnificences de sa végétation en ont fait un lieu de repos et de délices, où tout ce que Naples compte d'élégants et d'oisifs accourt en foule sur des barques rapides ornées de feuillage et de fleurs.
Quelques poètes, ravis des beautés d'Ischia, les ont chantées dans des vers harmonieux, c'est d'elle et du golfe entier que Lamartine a dit :
L'Océan, amoureux de ces rives tranquilles,
Calme, en baignant leurs pieds, ses orageux transports;
Et, pressant dans ses bras ces golfes et ces îles,
De son humide haleine en rafraichit les bords.
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Maintenant sous le ciel tout repose ou tout aime.
La vague en ondulant vient dormir sur le bord;
La fleur dort sur sa tige, et la nature même
Sous le dais de la nuit se recueille et s'endort.
Le délicieux paysage d'Ischia a été parfaitement compris par M. Karl Girardet. Nos lecteurs ont eu souvent déjà l'occasion d'apprécier le talent de ce jeune artiste. Sa peinture est simple; on n'y trouve point d'effets heurtés et de mise en scène théâtrale; on y sent un sincère amour de la nature qui émeut et charme. Dans les arts, le cœur est un grand maître: on plaira toujours si on compose avec émotion; un paysage peint de souvenir, à l'aide de croquis, dans un moment de douce rêverie, parlera souvent plus à l'âme surprise qu'une étude dessinée d'après nature avec une exactitude géométrique; la fidélité cependant ne gâte jamais rien: elle s'allie d'une manière très heureuse avec le sentiment poétique dans le tableau de M. Girardet.