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Hippolyte Taine

Voyage en Italie - Tome I

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  Nisida, Ischia dans le lointain, le cap Misène, ne ressemblent point à des êtres réels, mais à des ombres nobles sur le point d’arriver à la vie.

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  Le ciel est presque clair; seulement un banc de nuages pend au-dessus de Naples, et autour du Vésuve de grandes fumées blanchâtres tournoient ou dorment.
  Je n’ai point encore vu, même à Marseille, cette couleur à la mer, tant le bleu en est profond, presque dur. Au-dessus du fort et luisant azur qui occupe les trois quarts de l’espace visible, le ciel est blanc et semble un cristal. A mesure que l’on s’éloigne, on aperçoit mieux la côte onduleuse, le grand corps de la montagne; toutes les portions se tiennent comme des membres; à l’extrémité, Ischia et les promontoires nus reposent dans leur teinte de lilas, comme une dormeuse de Pompei sous son voile. Véritablement, pour peindre une pareille nature, ce continent violet étendu au bord de la grande eau lumineuse, il faudrait prendre les paroles des anciens poëtes, figurer la grande déesse fertile que l’éternel Océan embrasse et assiège, et au-dessus d’eux la blancheur sereine, l’éblouissant Jupiter: Hoc sublime candens quem omnes invocant Jovem.
 
Le ciel est clair, d’un azur pâle, presque transparent, et la mer d’un bleu rayonnant, chaste et tendre comme une fiancée et une vierge. Cette largeur infinie d’espace, vêtue si délicieusement comme pour une fête voluptueuse et délicate, laisse une sensation qui n’a pas d’égale. Capri, Ischia au bord du ciel, sont blanches dans leur molle mousseline de vapeur, et l’azur divin luit doucement à perte de vue, encadré dans cette bordure blanche.